Alors que d’innombrables entreprises de mode pourchassent les tendances et visent des ventes exorbitantes, Patagonia – ayant fait de la Terre son unique actionnaire et évolue à contre-courant.
L’Ascension de l’Industrie de la Mode Éphémère
L’industrie de la mode éphémère connaît une croissance fulgurante. Les consommateurs achètent 60 % de vêtements en plus et les portent deux fois moins longtemps, selon les données du Programme des Nations Unies pour l’environnement. On estime qu’un camion de textiles jetés est enfoui ou incinéré chaque seconde.
Le PNUD souligne également que l’industrie de la mode est responsable de 2 à 8 % des émissions mondiales de carbone. Si rien ne change, elle pourrait occuper un quart du budget carbone mondial d’ici 2050.
Parallèlement, les textiles libèrent des microplastiques lorsqu’ils sont lavés, contribuant à la pollution de nos océans. Le processus de teinture est également le deuxième plus grand pollueur d’eau au monde.
Patagonia : Une Philosophie Anti-Tendances
« L’impact de l’industrie de la mode éphémère, qui conçoit des articles voués à l’obsolescence pour suivre une tendance, détruit la planète », déclare Tyler LaMotte, directeur des produits et du marketing (EMEA) chez Patagonia, lors du Festival international de la créativité Cannes Lions.
Patagonia est une marque américaine spécialisée dans les vêtements de plein air qui ne cherche pas à vendre autant de produits que possible. En adoptant une éthique de « moins acheter, mieux acheter », elle affirme que les relations avec les clients se construisent plutôt sur la qualité et la consommation responsable.
« Nous avons une campagne en cours appelée ‘Unfashionable’ où nous renforçons nos valeurs selon lesquelles nos produits sont conçus pour durer des années, pas des saisons », explique LaMotte. « Nous ne poursuivons pas la dernière tendance. Nous ne poursuivons pas la dernière folie en termes de couleur, de motif ou d’influenceur. Ce n’est pas ce qui nous motive. »
Faire de la Terre son Seul Actionnaire
Patagonia, lauréat du prix Champion de la Terre de l’ONU, a fait de la planète son unique actionnaire en 2022. Elle s’est transformée en un fonds de bienfaisance avec tous les bénéfices destinés à l’action contre le changement climatique. L’idée est de protéger l’éthique de l’entreprise et d’accélérer sa mission.
« Patagonia ne peut jamais être achetée, elle ne peut jamais être vendue. Le conseil d’administration ne peut pas changer la directive générale et la mission de l’entreprise. Donc, nous verrouillons essentiellement ce que nous faisons et le faisons à grande échelle », déclare LaMotte.
« D’un point de vue commercial, nous devons clairement gérer l’entreprise. C’est une base. Au-delà de cela, tous les autres bénéfices vont essentiellement dans des actions avec droit de vote. Le conseil d’administration, les fondateurs et la famille peuvent décider ce qu’ils veulent faire de cet argent pour activer les causes qu’ils croient importantes. »
Construire des Relations Durables avec les Clients
Patagonia affirme qu’elle ne critique pas l’industrie de la mode sur ses responsabilités. Au lieu de cela, elle souhaite « les inviter » en les aidant à éduquer d’autres entreprises sur la manière dont une réinitialisation peut être bénéfique à la fois pour les affaires et pour la planète.
« La mode peut exister de manière responsable si on la considère en termes de minimisation de son impact et de responsabilité en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement et les raisons pour lesquelles elle fabrique ce qu’elle fait. Et cette relation durable avec le client est une opportunité pour eux », dit LaMotte.
« Nous avons beaucoup de réglementation, un tsunami de réglementations qui arrivent ici en Europe et aussi en Amérique du Nord. Ils vont devoir en rendre compte. Et finalement, les consommateurs vont vouloir exiger cette information. »
Les Consommateurs Prêts à Payer Plus
Plus de la moitié des consommateurs mondiaux seraient prêts à payer plus pour des versions durables de leurs vêtements et accessoires choisis, selon une enquête récente de YouGov. La recherche, réalisée dans 17 marchés internationaux, a révélé qu’environ un quart serait prêt à payer jusqu’à 10 % de plus, tandis que 13 % déclarent qu’ils paieraient jusqu’à 25 % de plus.
« Je pense que nous savons que les clients s’alignent avec les marques qui partagent leurs valeurs. Donc, être transparent sur ce que nous faisons, que ce soit dans le produit, l’activisme produit ou l’activisme sportif ou environnemental, ces choses sont vraiment importantes pour s’assurer que le client sache qu’il a une opportunité de s’engager », explique LaMotte.
« C’est ce qu’ils achètent et comment ils achètent. Mais ensuite, comment amener nos clients dans ce voyage d’activisme pour qu’ils veuillent s’impliquer dans la sauvegarde de la planète. Et cela peut commencer par la consommation, mais aussi par l’action. »